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Comment mieux nager en eaux troubles

De la contamination endogène au trampoline de résilience

Par Carol Gachet

© Février 2016

INTRODUCTION

Lors d’une des rencontres du cours « Interventions Systémiques » donné par Dr. Amilcar Ciola à l’INPER, il nous a été donné de lire l’article de Carlos E. Sluzki « Le Réseau Social : Frontière de la Thérapie Systémique »1. Le contenu de cet article, et plus particulièrement le modèle du réseau social présenté sous forme d’un cadran, m’a vivement intéressée. J’ai d’emblée apprécié la vision globale de Sluzki et la clarté représentées par ce graphique en forme de cible qui modélise le réseau social d’un individu.

Il m’est apparu que cet outil, à la fois simple et holistique, pourrait être appliqué à d’autres secteurs, et plus particulièrement à celui de la maltraitance et des cas d’abus sexuels intra et extra familiaux. C’est en effet le domaine dans lequel est concentrée la majeure partie de mon activité professionnelle.

A l’heure actuelle, le langage couramment utilisé pour qualifier les situations d’abus sexuels est plutôt décourageant «lourd, difficile, horrible, complexe, tragique»; ce langage dramatique démontre bien que le thème de l’abus sexuel suscite encore des difficultés et des résistances de la part des professionnels. Celles-ci se perpétuent tout au long de la chaîne des intervenants, de même que les symptômes intrinsèquement liés à l’abus tels que : dysfonctionnement, perversion, impuissance, fascination, confusion, etc...

Mon propos ici sera d’une part de montrer de quelle manière se répand le symptôme « abusif » à travers le réseau des intervenants. Prenant comme point de départ la nature même de l’abus sexuel et ce qu’il engendre chez l’enfant, nous verrons comment la famille, l’entourage, le réseau est aussi contaminé et incapable de faire face à de telles situations.

D’autre part, en m’inspirant du modèle du réseau social décrit par Sluzki et en l’adaptant au cas particulier d’abus sexuels, j’espère pouvoir apporter un nouvel outil utilisable par les professionnels du terrain. Pour ce faire, je m’attacherai tout d’abord à la notion de « perte » décrite par Sluzki : en dressant l’inventaire de celles que subit l’enfant victime d’abus sexuels, il sera alors possible de modifier le modèle de Sluzki pour l’adapter à mon propos.

Ce nouvel outil comporte des visées multiples : utilisé comme « objet flottant » , il devient « trampoline de résilience » et peut être un vecteur de communication entre la « victime » et l’intervenant ; il peut également servir de grille de lecture aux différents acteurs du réseau, offrant une vision panoramique des personnes ressources impliqués dans la situation; enfin, il servirait d’outil de recherche pour mieux comprendre les difficultés et les lacunes actuelles des prises en charge de ce type de situations.

Par ce travail, j’espère contribuer à apporter une vision plus claire du soutien possible et nécessaire qui devrait être apporté aux victimes d’abus sexuels et à leur famille.

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1 - Sluzki, C., « Le réseau social, frontière de la thérapie systémique » in Thérapie familiale, Genève, 1993, vol. 14, no 3, pp 239-250

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1ère Partie
L’ABUS SEXUEL : UN FLEAU EPIDEMIQUE

CHAPITRE 1 : L’ISOMORPHISME DES SITUATIONS D’ABUS SEXUELS

Il est évident que l’abus sexuel est de par sa nature même un phénomène complexe. Summit et Kryso (1976)2 identifient dix catégories d’abus sexuel et Finkelhorn et Browne (1985)3 répertorient en quatre composantes la pléthore de ses effets traumatiques. Les variables sont multiples : âge de l’enfant, sexe de l’enfant, sexe de l’agresseur, lien avec l’agresseur, nature des actes (violence, séduction), fréquence et durée des actes, contexte socioculturelde l’enfant, etc...

Toutes les définitions s’accordent pour dire que ce type d’agression peut nuire gravement au développement de l’enfant et ce à tous les niveaux : physique, psychologique, émotionnel, sexuel, spirituel. On relève aussi des constantes quant à la définition même de cet acte criminel ; l’abus sexuel est souvent défini par la relation forcée de l’adulte sur l’enfant qui est qualifiée d’abus de pouvoir, de manipulation, de relation pathologique, d’emprise, de perversion, de transgression.

« Toute activité sexuelle à laquelle une victime est incitée ou contraire de participer par un agresseur, sur lui-même, sur elle-même ou sur une tierce personne, contre son gré, par manipulation affective, physique, matérielle ou usage d’autorité, de manière évidente ou non, que l’abuseur soit connu ou non, et qu’il y ait ou non évidence de lésion ou traumatisme physique ou émotionnel, peu importe le sexe des personnes impliquées » Jean-Yves Frappier4

« Du point de vue psychiatrique, la maltraitance est une pathologie de la relation. (...) C’est aussi une relation pathologique du fait que ce qui est mis en relation ne peut pas être dit ou pensé. Il est même dit qu’il ne faut pas en parler. Ce huis-clos sécrète de la folie en installant du faux dans le vrai. Les mauvais traitements s’assortissent d’une emprise de la communication et d’une perversion des sens. (...) » Berdj Papazian5

Il est intéressant de constater que l’on retrouve ces phénomènes non seulement dans la relation instaurée par l’abuseur au détriment de la victime mais aussi dans la famille incestueuse et, plus loin, jusque dans le réseau des intervenants.

 

Ce que l’enfant ressent

Par abus sexuel, j’entends ici tout acte impliquant une charge sexuelle ou érotique, commis de la part d’un adulte sur un enfant sans que celui-ci soit à même de comprendre ce qui est en train de se passer.

Je prendrai pour base de travail le cas de l’abus sexuel intra-familial par ascendant qui semble, de par la nature même du lien, être le plus « complexe » dans la gamme des cas dénoncés. Cet abus met en scène un parent (père, mère6, beau-père, belle-mère, concubin, concubine) qui commettrait un acte ou une tentative d’acte de nature sexuelle sur un enfant dont il aurait la charge.

Je tiens à préciser qu’il n’est nullement question de mettre ici en cause la douleur de l’acte lui-même pour lequel il n’existe pas « d’échelle de gravité » qu’il soit commis par un proche ou par un inconnu, mais de choisir la situation la plus enchevêtrée au point de vue de la prise en charge par le réseau. Ceci partant du principe qu’il est ensuite plus facile de calquer une situation moins complexe sur un modèle élaboré pour une situation « extrême ».

Quand un enfant est victime d’une agression sexuelle, il éprouve tout ou partie des sentiments suivants :

 

Terreur : l’enfant se sent – et peut être – en danger de mort (violence physique, menaces directes sur sa vie)

Douleur : physique, émotionnelle, spirituelle : perte de ses repères de sécurité, perte du contrôle

Impuissance : l’enfant ne peut réagir par rapport à l’adulte ; ce sentiment d’impuissance est équivalent à un meurtre psychique. C’est ici que le terme victime prend tout son sens.

Colère : la colère est interdite pour l’enfant abusé sexuellement ; non seulement il n’a pas le droit de l’exprimer face à l’adulte qui abuse de lui mais de plus, il n’a souvent pas le droit de la ressentir. Dans son impuissance totale, il ne peut se permettre d’avoir un tel sentiment qui, s’il surgit, s’intériorise immédiatement.

Trahison : l’enfant est trahi par un adulte en qui il avait confiance (dans 90% des cas, l’abuseur est connu de l’enfant) ; il éprouve également un sentiment de trahison plus large, face au monde, face à la vie. Le monde n’est pas/plus un endroit sécurisant.

 

Stimulis non-controlés : lors de certains abus, l’enfant peut être stimulé sexuellement ; cette érotisation précoce entraîne des troubles au niveau du développement psycho-sexuel de l’enfant. La perception de la sexualité en général et de la sienne en particulier est pervertie de par l’abus sexuel.

 

Culpabilité, honte : pour pouvoir donner un sens à cet acte, il se sent coupable d’avoir déclenché le comportement de l’adulte (illusion de contrôler la situation). Il sert également de réceptacle à la culpabilité de l’adulte. Le sentiment de honte est omniprésent chez les victimes d’abus, lié au secret et au tabou de tels actes.

Confusion : au niveau des sensations physiques, de ses émotions, du message verbal et non verbal (qu’est-ce qui est normal, qu’est-ce qui ne l’est pas ?), au niveau de sa place dans la famille.

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2 - in « Sexual abuse of children: a clinical spectrum » in American Journal of Orthopsychiatry, 1976, vol. 48, pp 237-251.

3 - in « The traumatic impact of Child Sexual Abuse: A conceptualization » in American Journal of Orthopsychiatry, 1985, vol. 55, pp 530-541.

4 - in « Cadre de référence et lecture différenciée des abus sexuels durant l’enfance et l’adolescence » in Le silence comme un cri à l’envers: maltraitances et abus sexuels envers les enfants, publié sous la direction du Dr. Marco Vanotti; Genève: Editions Médecine et Hygiène, 1992

5 - in « Quelques considérations sur les mécanismes inconscients qui mettent la collaboration en défaut de prévenir les mauvais traitements » in Le silence comme un cri à l’envers: maltraitances et abus sexuels envers les enfants, publié sous la direction du Dr. Marco Vanotti; Genève: Editions Médecine et Hygiène, 1992

6 - Bien que les abus sexuels sur les enfants soient, selon les statistiques, plus souvent perpétrés par des hommes que par des femmes – les victimes étant, toujours selon les statistiques, plus souvent des filles que des garçons – il faut savoir que les garçons sont également abusés dans de larges proportions et que les mères, elles aussi, peuvent abuser sexuellement de leurs enfants. L’association Faire Le Pas a déjà accueilli dans ses groupes de soutien plusieurs femmes victimes d’abus sexuels par leur mère ; tabou dans un tabou, ce type d’abus est extrêmement difficile à verbaliser. Pour plus d’informations à ce sujet, je recommande la lecture de : « Female Sexual Abuse of Children : The ultimate taboo » ; Michele Eliott (Ed.) ; Brighton : Pennant, 1993.

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Les mécanismes de survie chez l’enfant

Pour rester en vie et maintenir une apparente « normalité » l’enfant mettra en place toute une série de mécanismes qui lui permettront de continuer à fonctionner7.

Ces mécanismes dits « mécanismes de survie » sont8 :

Dissociation/clivage/oubli : l’enfant se dissocie, se coupe de ses émotions pour ne plus ressentir la douleur, la confusion. Cette anesthésie peut aller jusqu’à l’amnésie totale ou partielle : ceci lui permet de ne plus être confronté psychiquement à l’abus.

Douter, nier : penser que le fait d’ignorer l’abus suffisamment longtemps le fera disparaître ; douter de soi-même de sa capacité à discerner entre le rêve et la réalité : « est-ce vraiment arrivé ? »

Minimiser, banaliser : prétendre que ce qui est arrivé n’est pas vraiment grave.

 

Généraliser, rationaliser : croire que cela arrive à d’autres donc que c’est «normal» ou trouver des excuses à l’abuseur : « il était soûl ».

Comme nous pouvons le constater, l’enfant mobilise des ressources extra-ordinaires afin de rester en vie et de maintenir un semblant de cohérence dans ce qu’il traverse. Ces mécanismes de survie l’accompagnent tout au long de son développement et se transforment. Il n’est pas rare de percevoir chez les adolescents un sentiment de « toute puissance » - formation réactionnelle post- traumatique – d’avoir survécu au pire et, de par leur silence, de posséder le « pouvoir » de maintenir l’équilibre familial.

En tant qu’adulte d’autres symptômes pathologiques graves surgissent, similaires aux symptômes de stress post traumatique: troubles du sommeil, hyperexcitation, dépression, angoisse, décompensation. Pour faire face à ces symptômes, l’adulte aura parfois recours aux « calmants » légaux ou non, alcool, drogue, médicaments.

Ce qui le sauve en tant qu’enfant le détruit souvent à l’âge adulte.

La famille à transaction incestueuse : symptômes et mécanismes de fonctionnement

Il est intéressant de constater que les symptômes de l’abus sexuel sur l’enfant et les mécanismes de survie mis en place, se retrouvent également dans la famille à transaction incestueuse :

« (...) plusieurs auteurs ont constaté une prédominance de familles vivant dans des contextes socioculturels où elles sont coupées de contacts avec l’extérieur ; P. Alexander attribue cette tendance à l’isolement, dans ces familles, à un fonctionnement rigide qui les ferme sur elles-mêmes. (...) Dans une configuration patriarcale de ce type, l’épouse doit s’accommoder en se soumettant aux exigences du mari qui détient le pouvoir sans partage. » P. Gonzalves, C. Chaperon-Megroz.9 De même que l’enfant se coupe de lui-même et de ses émotions lors d’une agression sexuelle, de même les familles à transactions incestueuses sont coupées de l’extérieur et sont isolées par un abus de pouvoir caractérisé par l’auteur des actes. Ceci permet de maintenir le secret et le silence (il n’y a pas de témoins et personne à qui parler).

« Au-delà du traumatisme physique et émotionnel qu’elle provoque, la situation d’inceste mine le processus d’apprentissage relationnel de l’enfant qui en est victime. Ceci en raison d’un double trouble structural : l’effacement des frontières entre les générations et la présence d’une hiérarchie dysfonctionnelle (...) » P. Gonzalves, C. Chaperon-Megroz10

Ici, l’on retrouve la notion de confusion et de transgression : l’enfant voit les limites de son être et de son corps transgressées ; la famille subit aussi ses transgressions sous formes de perte des repères générationnels et de confusion des rôles attribués.La mère devient l’amante du fils ou la fille la conjointe du père ; pour peu qu’une grossesse s’ensuive nous serions alors dans un schéma de « reproduction » et non plus de « pro-création », transgressant tous les tabous et repères sociaux et mettant en danger les capacités évolutives de l’espèce11.

D’autres paramètres se retrouvent de manière singulière chez l’enfant abusé et la famille maltraitante :

« Les parents maltraitants ne demandent pas à être aidés. Une première réponse, très simple, c’est qu’ils éprouvent de la honte face à leur comportement violent, ils ne veulent pas se l’avouer à eux- mêmes, et encore moins, à des professionnels qui vont les dénoncer ou du moins les juger. (...) » S. Cirillo12

 

On retrouve ici à nouveau la notion de silence et de honte ; de plus, S. Cirillo dans ses propos, présente également un des systèmes que les familles maltraitantes mettent en place pour continuer à fonctionner : la banalisation ou le déni des problèmes existants.

« La famille ne fera que nier radicalement les mauvais traitements, parce que, cette solution – la plus facile – semble à tout le monde être celle qui comporte le moins de risques et de souffrances. » S. Cirillo13.

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7 - A ce propos, j’aimerais rappeler que certains enfants ne survivent pas à l’abus sexuel et meurent parce que torturés ou parce qu’ils ne peuvent que se tourner vers d’autres issues tels que le suicide ou la folie.

8 - Inspiré de « The Courage to Heal : a guide for women survivors of child sexual abuse », Laura Davis, Ellen Bass ; New York : Harper & Row, 1988.

9 - in « L’inceste, symptômes de troubles hiérarchiques graves dans la famille » in Thérapie familiale ; Genève, 1990, vol. 11, no 2, pp 155-166.

10 - id.

11 - La notion que le passage à l’acte incestueux est une mise en danger des capacités évolutives de l’espèce a été développée par Catherine Briod de Moncuit dans le cours : Maltraitance et Abus Sexuels : Dépistage, intervention, Soins.

12 - in « La famille maltraitante » in Le silence comme un cri à l’envers : maltraitances et abus sexuels envers les enfants, publié sous la direction du Dr. Marco Vanotti ; Genève :Editions Médecine et Hygiène, 1992.

13 - id.

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Chaque membre de la famille est affecté par la maltraitance ou les abus sexuels même si un seul enfant de la fratrie en est la « victime désignée ». Toutefois, la loi du silence règne, on ne voit pas ou on ne veut pas voir et les loyautés invisibles et perverties plongent la famille dans un dysfonctionnement paralysant. Le niveau d’angoisse se traduit régulièrement par des troubles somatiques qui sont malheureusement peu ou mal détectés par le praticien.

En résumé, ce que l’enfant ressent dans son être (système intégrant corps, cœur, esprit, âme) lorsqu’il est victime d’abus sexuel est en de nombreux points similaire à ce qui se passe dans un système familial à transactions incestueuses. Pour pouvoir conserver l’oméostase familiale, les mêmes mécanismes de défenses se mettent en place, toujours au détriment de l’enfant abusé. Le couple parental fait porter à l’enfant la charge de ce qu’ils ne peuvent régler pour eux-mêmes ; ce sont souvent d’anciens enfants maltraités.

Le ressenti de l’intervenant et ses mécanismes de défenses

Bien que les professionnels en contact avec des enfants soient de mieux en mieux informés sur la problématique des abus sexuels et que des réseaux se créent autour de cette thématique dans les institutions, il n’en reste pas moins que les résistances sont encore omniprésentes. Il est extrêmement intéressant de reprendre quelques uns des articles qui décrivent les problèmes auxquels se retrouvent confrontés les intervenants impliqués dans ce type de situations.

« (...) les intervenants expérimentent des sentiments de colère et de vulnérabilité suivis d’une variété de mécanismes de défenses » L. John Baglow14. Il ajoute que chaque intervenant convoqué à une réunion de réseau autour de ce type de situation ressent de la douleur, de la colère et de la tristesse.

La colère, interdite à l’enfant est également prohibée au sein de la famille maltraitante dominée par la loi du silence ; il est donc sain que l’intervenant puisse la ressentir. Encore faut-il qu’il puisse bénéficier d’un espace où l’exprimer, faute de quoi elle suivra le même parcours d’intériorisation que chez l’enfant.

F. Dardel15 qui décrit de manière détaillée ces mécanismes de défenses en a attribuer les causes à des sentiments d’angoisse et de paradoxalité (double bind) qui « caractérisent la communication dans les familles très perturbées et dans les familles maltraitantes ». F. Dardel poursuit en décrivant comment « l’intervenant est largement contaminé par cette situation paradoxale ». Elle répartit les attitudes défensives de l’intervenant en différentes catégories :

Le doute : « Le doute (de l’intervenant) dépasse le questionnement simple et atteint aussi un certain degré de confusion qui pourrait constituer une réaction défensive liée à la pathologie de la relation établie avec ces familles, un état mental amenant la remise en question d’une certitude déjà établie concernant les faits, comme si la réalité devenait mirage. »

 

Le doute de l’intervenant, engendré et entretenu par la perversion régnant au sein du couple parental est assimilable au doute ou à la négation de l’enfant victime des faits qui se demande si ce qu’il a vécu est bien réel ; l’état mental dont parle F. Dardel ramène également au sentiment de paralysie et d’impuissance décrit par les victimes.

 

La toute puissance : « De nombreux intervenants ont exprimé leur désir de prendre le pouvoir et cela dans un rapport de Tout ou Rien. Dans 83% des cas, ils manifestent un tout-savoir, se pensent seuls compétents et dénigrent les opinions et les possibilités d’aide des autres professionnels, décrits comme inefficaces, voire dangereux. ».

 

L’enfant qui se trouve tout d’abord dans un état d’impuissance, construira au fil des années un héros intérieur tout puissant auquel l’intervenant sera confronté. L’adolescent discrédite souvent les personnes qui voudraient lui venir en aide ; dans les témoignages d’adultes victimes d’abus sexuels dans l’enfance, les raisons qui ont perpétué le silence se résument souvent à deux phrases : « Il/elle ne m’aurait pas cru ; il/elle ne peut pas comprendre n’ayant pas vécu la même chose ».16

La famille se pose de manière similaire en « toute-puissance », formant un tissu de loyautés visibles et invisibles tellement enchevêtré et hermétique qu’elle met régulièrement les professionnels en échec.

La parole interdite et le clivage : il s'entraînent des mécanismes de défenses tels que : le déni de la violence, l’inhibition du désir de savoir, la dénégation, l’idéalisation de la relation avec le parent, la projection de la mauvaise image de soi sur les autres.

La banalisation : elle « se différencie des autres modes de défense par son haut degré d’efficacité ».

 

L’on peut constater que les mécanismes de défenses de l’intervenant présentés par F. Dardel dans son article ainsi que leurs causes sont à peu de détails près les mêmes que ceux décrits plus haut concernant le dispositif de survie de l’enfant. On retrouve également des similarités entre le fonctionnement de l’intervenant et celui de la famille maltraitante.

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14 - « A mutlidimensional model for treatment of child abuse : a framework for cooperation » in Child Abuse and Neglect, 1990, vol. 14, pp 387-395

15 - « Du cri au silence : les mécanismes de défense de l’intervenant » in Psychoscope, 1992

16 - phrases tirées de mon expérience en tant qu’animatrice de groupe de soutien pour adultes abusés sexuellement dans l’enfance.

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Tableau récapitulatif : la contamination émotionnelle
Tableau récapitulatif : l’isomorphisme des comportements défensifs

A noter que ce qui peut être qualifié de mécanisme de survie chez l’enfant, devient mécanisme de défense chez l’adulte. La différence se situe au niveau du développement de l’enfant qui n’a pas la capacité de choix. Chez l’adulte, le mécanisme de défense est adaptatif en rapport avec la souffrance engendrée par la situation mais il a d’autres choix pour faire face à cette souffrance, ne serait-ce que demander de l’aide ou faire un travail d’introspection.

 

CHAPITRE 2 : L’ABUS SEXUEL CONTIENT-IL REELLEMENT DES GERMES CONTAGIEUX ?

Bien que j’aie choisi la métaphore du fléau épidémique pour décrire le phénomène de contamination dans les réseaux de professionnels en charge de situations d’abus sexuels, aucun scientifique n’a, pour l’heure, découvert un gène qui prédéterminerait, la victime, le sauveur ou le persécuteur.

Une vue psychanalytique

Il est donc nécessaire de trouver ailleurs que dans le champ des sciences exactes une explication à cet effet de contagion. F. Dardel17 donne déjà quelques éléments de réponses quant à la projection que subissent les intervenants qui travaillent avec des familles maltraitantes :

« L’intervenant est confronté au désir de mort d’un être humain sur un autre :

la maltraitance renvoie l’intervenant à l’ambivalence ressentie ou fantasmée chez ses propres parents et ses peurs infantiles de destruction

elle le renvoie également à sa propre violence sublimée en activité d’aide et de réparation

elle atteint le sentiment de compétence de l’intervenant de ses limites et de ses devoirs ».

 

Cette lecture psychanalytique est partiellement reprise dans un article de Berdj Papazian18 qui analyse les différentes causes d’échec de l’intervenant confronté à la maltraitance en terme de rapport :

« Le rapport à soi-même, ou les traits de sa personnalité : (...) encouragé par les valeurs morales et le consensus social, il s’identifie à la victime et réagit de la manière la moins neutre qui soit. »

« (...) l’ardeur avec laquelle l’intervenant peut (y) faire irruption suggère une vulnérabilité autour de son propre conflit œdipien. En venant au secours de l’enfant, il recourt à une formation réactionnelle qui lui permet de se substituer à l’agresseur et d’en exercer le pouvoir, pouvoir d’attraction et de rivalité. »

On retrouve chez les deux auteurs cités plus haut la notion d’identification et d’effet-miroir qu’une situation d’abus peut déclencher chez l’intervenant. Il est évident que la violence ou la négligence exercée sur des enfants nous renvoie à notre propre vécu et nous heurte dans nos zones d’ombres, souvent inexplorées.19

Toutefois, en présence d’une situation « innommable » ou « impensable », nos affects réagissent selon des fonctionnements que nous connaissons mal. B. Papazian précise que « dans le domaine du champ médico-social, l’on estime qu’un travail sur soi-même s’impose sérieusement » et l’on retrouve cette recommandation dans de nombreux ouvrages récents traitant des abus sexuels.

17 op. cit. p. 10

18 op. cit. p. 6

19 Ce sont par ailleurs ces champs intrapsychiques occultés qui nous ont sans doute aiguillés, en recherche de justice, d’équité, de guérison, d’intégration, vers des professions de juge, d’avocat, de médecin, de travailleur social, etc...

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©Carol Gachet_Comment mieux nager en aux troubles

Hypothèse basée sur la thérapie contextuelle

Outre le phénomène de l’identification projective décrite plus haut, il me semble qu’un autre élément intervient qui permet d’expliquer ces réactions en chaîne. Il est basé sur la thérapie contextuelle développée par I. Boszormenyi-Nagy.

Dans les bases de la thérapie contextuelle, I. Boszormenyi-Nagy amène le concept de la « légitimité », un des piliers central de sa théorie :

« Le petit enfant exige de ses parents des soins constants : il y a droit, car il ne pourrait survivre sans ces soins. On peut donc parler de la légitimité inhérente ou intrinsèque du petit enfant dont on ne peut cependant attendre aucun retour. (...) Que le parent prenne du plaisir ou non à ces soins, il est de toute façon soumis à un test sévère de responsabilité. »20

Cette légitimité intrinsèque à laquelle tout enfant a droit est nécessaire pour que, une fois adulte, selon le concept du « grand livre des dettes et des mérites21 » il s’acquitte de ses redevances envers ses parents. Ceci permet d’équilibrer la balance du « donner » et du « recevoir » et conduit l’enfant vers une autonomie progressive et positive.

« Il y a cependant des parents qui ne peuvent pas répondre à cette demande parce qu’eux-mêmes ont été délaissés dans leur enfance. L’enfant va continuer très longtemps à garder sa confiance ; à partir de là, il pourra arriver qu’un processus positif soit mis en route chez les parents (...) »22 Toutefois, quand il s’agit d’un abus sexuel de la part d’un parent sur un enfant, nous avons affaire non seulement à un refus de responsabilité parentale, mais, pire encore, à une « vampirisation » de l’enfant ; le capital de confiance dont parle I. Boszormenyi-Nagy est alors exploité bien avant l’heure :

« On peut dire que les parents exploiteurs sont en train de « prélever » sur l’enfant – comme ils prélèveraient sur un compte en banque – au lieu d’investir en lui comme devraient le faire des parents responsables. Ce qu’ils prélèvent ainsi peut servir à les dédommager d’un énorme remboursement effectué envers les générations précédentes. Pour cette raison, bien que coupables existentiellement parlant, ils peuvent se sentir fort peu coupables. »23

Il est en effet vérifié que l’abus sexuel intra-familial est un phénomène qui se perpétue de manière transgénérationnel. Ceci peut s’expliquer de la manière suivante :

20 in « Thérapie familiale et générations : aperçu sur l’œuvre de Ivan Boszormenyi-Nagy » ; Van Heusden, A. ; Van Den Eerenbeemt, Paris : Presse Universitaire de France, 1994

21 Grande livre : « (ledger) celui de la comptabilité des dettes et des mérites propre à chaque famille, et qui est « invisible ». Il transcrit la position de chaque membre « vis-à-vis des autres et ceci du point de vue de ses dettes ou de ses mérites à leur égard. » in glossaire de « Orientation Contextuelle », texte distribué à l’occasion du Séminaire de Thérapie Contextuelle avec I. Boszormenyi-Nagy 25/26 février 1985, Clinique Psychiatrique de Cery trad. française Dr. G. Salem, Dr. Meret Rossat

22 id. note 12

23 in « Contextual Family Therapy » in Gurman A.S. & Kniskern D.P. Handbook of family therapy; New York Brunner & Mazel, 1981, pp 159-186

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Abus sexuels à la première génération

Lorsque le parent abuse sexuellement de l’enfant, il place l’enfant dans une relation horizontale (position de conjoint) dont les enjeux sont très différents de la relation verticale (position parent- enfant). Le conjoint réel « non-protecteur » n’exerce pas son rôle de « donneur de soins » et donc ne permet pas à l’enfant de remplir son capital de confiance.

L’enfant – qui n’a pas le libre choix – se voit obligé de « rembourser » de manière anticipée ses dettes envers ses parents. Il puise pour cela dans son capital de confiance et l’épuise de manière prématurée. De plus, les parents ne reconnaissent pas ce « don », l’enfant s’endette à nouveau. « En demandant à l’enfant d’être anormalement responsable, en ne reconnaissant pas ce qu’il donne et bien au contraire, en le blâmant de son échec, les parents peuvent l’accabler d’un éternel sentiment de dette. »24

En résumé, avant même d’avoir reçu ce à quoi il avait droit, l’enfant se retrouve « vidé », avec un capital de confiance inexistant et le sentiment qu’il a une immense dette à rembourser. Il entrera alors dans la spirale de « légitimité destructrice », vengeance justifiée mais qui a pour cible des personnes innocentes. Cette vengeance se tournera parfois envers lui-même en comportements auto-destructeurs ou envers les autres, parfois ses propres enfants.

Abus sexuel ou autre abus de pouvoir à la seconde génération

En effet, l’enfant devenu adulte n’aura de cesse que de remplir ce « réservoir » pour pouvoir tout de même s’acquitter de sa dette envers ses géniteurs. La manière la plus rapide et accessible sera tout simplement de répéter le même schéma :

Il est intéressant de citer ici les termes utilisés par Hurni et Stoll:

« Cet enfant se voit ainsi :

§ annexé,éviscéré,

§ attaquédanssondésir,sacapacitédepenser,

§ mis en situation d’être responsable des attaques subies, qu’il doit même s’employer à réparer

sa vie durant. »25

Ceci nous montre à quel point les situations de maltraitance et d’abus sexuels sont des « histoires de famille » qui s’étendent souvent sur plusieurs générations. Les caractéristiques spécifiques aux dégâts causés par l’abus sexuel se passent ainsi d’une génération à l’autre, plus ou moins directement et contaminent les enfants qui deviendront, peut-être à leur tour des parents. Il est à noter que ce n’est pas tant l’acte lui même qui va être « reproduit » mais plutôt l’abus de pouvoir qui se déclinera en divers types de maltraitances.

La contamination chez les intervenants

Plusieurs raisons font que ces symptômes « abusifs » contaminent également les intervenants qui sont confrontés aux situations d’abus sexuels :

L’intervenant se retrouve face à un enfant ou un/e adolescent/e qui est « vidé/e », dépossédé/e de son capital de confiance d’une part et dans l’impossibilité de « rembourser » sa dette envers ses

24 id. note 16

25 in « La Haine de l’Amour, la perversion du lien », Maurice Hurni et Giovanna Stoll, L’Harmattan, 1996

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parents d’autre part. Le remboursement de la dette aura été prélevé par le parent de manière anticipée (l’enfant y aura laissé son enfance) et la responsabilité du parent n’aura pas été remplie. Pour reprendre la métaphore de I. Boszormenyi-Nagy, ce serait comme de retirer l’argent sur un compte en banque sur lequel personne n’aurait jamais rien versé.

Cette situation le renvoie à son propre « livre des comptes ». L’intervenant est dans un processus de s’acquitter de ses obligations (entre autre au travers de son métier) ; comment s’identifier à un enfant « vampirisé » de la sorte sans être soi-même saisi de vertige ?

Ce vide crée de l’angoisse chez l’intervenant ; il a peur de s’y perdre voire même de se faire « vampiriser » à son tour par l’enfant abusé ou par la famille. Il met en place ses mécanismes de défenses : nier, minimiser, douter, banaliser, etc...il peut se faire prendre au piège par la famille qui tentera de lui « subtiliser » son capital de confiance selon le principe de l’ardoise pivotante26. En principe, le « tiers innocent » est le conjoint ou l’enfant mais, dans une famille à transactions incestueuses, l’intervenant extérieur rempli toutes les conditions pour être un « réservoir » de choix pour ces familles.

L’intervenant se trouve également être le témoin d’une situation dans laquelle il ne peut pas intervenir directement : selon le principe de l’éthique relationnelle définie par I. Boszormenyi-Nagy, une dette contractée envers un parent ne peut être acquittée que par ce même parent. Donc, le professionnel ne peut que se tenir en marge et aider l’enfant, la famille à élaborer de nouvelles possibilités de s’acquitter de leurs dettes, mais ne peut en aucun cas servir de substitut. Ceci est d’autant plus difficile qu’il sera sans cesse interpellé à le faire, poussé intérieurement par le besoin de combler à tout prix ce « vide » insoutenable auquel il est confronté et d’autre part, harcelé par le couple parental qui tente de s’en servir comme élément substitutif.

Enfin, la situation de l’abus sexuel est tout à fait particulière car, même dans les pires situations de maltraitance (physique, verbale, psychologique), la hiérarchie parent-enfant est respectée puisque l’abus de pouvoir prend place dans une relation asymétrique/verticale. Dans la situation d’abus sexuel, la relation oscille entre l’asymétrique et la symétrique (entre le verticical et l’horizontal) ; l’intervenant ne sait plus quand et avec qui il est juste de négocier ou d’imposer (face au conjoint notamment qui s’est vu/s’est laissé « déclassé » de son rôle de parent). Ceci engendre un état de confusion d’autant plus évident qu’il est difficile quand on se retrouve devant un enfant d’imaginer que cet enfant sert de partenaire sexuel à l’un ou l’autre parent.

Isomorphisme des ressources

Le tableau dépeint ici est bien sombre et devant tant de « dégâts » est-il encore possible de garder l’espoir d’un changement, d’un éclaircissement, d’une réparation ?

Dans la majorité des articles traitant de ce thème, peu sont porteurs de mots à connotation positive ; les textes perpétuent en général le tragique des situations en peignant un état des lieux complexe et pessimiste. Jusqu’à présent, je n’ai pas fait exception à la règle ni échappé à la

26 définition : une pseudo-solution pour corriger les blessures et les agressions du passé par un comportement vindicatif dirigé vers un tiers innocent.

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fascination de la spirale destructrice que de tels actes engendrent. Comment ce fait-il, qu’il nous est si difficile en tant que professionnels de nommer d’autres mécanismes pourtant présents mais si rarement identifiés?

C’est en prenant connaissance du « concept de l’éthique de l’intervenant » présenté par le Dr. M. Vanotti27, que je peux réintroduire un souffle différent dans ce texte et identifier les ressources en présence, essentielles pour faire face et survivre.

« L’éthique de l’intervenant dans des situations de maltraitance ou d’abus ne peut pas être réduite à des mots, à des indications formelles, générales, abstraites ; elle implique des comportements courageux, de la résistance et de la persévérance, joints à la mise à jour de savoirs. »28

En (re)découvrant les termes utilisés par le Dr. Vanotti, il est aisé de remonter le courant et d’attribuer également ces qualificatifs aux enfants et aux adolescents abusés sexuellement : le courage, la résistance, la persévérance sans lesquels ils et elles ne seraient peut-être pas aujourd’hui de ce monde.

J’y ajouterais encore le terme de créativité car, pour trouver des moyens de survie dans des circonstances aussi contusionnantes et destructrices, il m’apparait nécessaire de puiser dans un réservoir créatif et d’inventer de nouvelles voies.

Ceci nous touche bien entendu au champ de la résilience, mettant en avant certaines qualités intrinsèques chez les enfants et adolescents victimes mais également, voire surtout, tous les témoins secourables qui un jour ont croisés le chemin de ces victimes leur permettant par leur chaleur et leur soutien d’introjecter le courage, la résistance et la persévérance.

Il est essentiel de valider ces qualités chez les personnes abusées sexuellement et de les nommer ; ce peut être notre contribution vers l’édification de la confiance dont elles ont été dépourvues et dont elles ont besoin pour ne pas, à leur tour, être l’acteur passif ou actif d’une répétition de la chaîne abusive.

CONCLUSION

Les conséquences de l’abus sexuel touchent non seulement les individus (l’enfant, les parents, l’intervenant) mais également les systèmes dans lesquels ils évoluent (la famille, l’institution, le réseau pluridisciplinaire). Le réseau qui prend en charge la situation d’abus sexuel se révèle être tout aussi dysfonctionnel que la famille incestueuse et présente la même symptomatologie : confusion, abus de pouvoir, transgression des limites, etc...

En reprenant quelques uns de ces points, je propose de dresser une liste « d’antidotes » qui pourraient être posés comme objectifs de base pré-requis avant toute prise en charge :

27 - qu’il en soit ici remercié -

28 « Entre intervention judiciaire, prise en charge et séparation protectrice, y-a-t-il une place pour une éthique de réconciliation ? » in Le silence comme un cri à l’envers : maltraitances et abus sexuels envers les enfants, publié sous la direction du Dr. Marco Vanotti ; Genève, Editions Médecine et Hygiène, 1992

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  CARACTERISTIQUES INTRINSEQUES LIEES A ANTIDOTES L’ABUS SEXUEL

confusion

transgression des limites abus de pouvoir silence/secret

honte, culpabilité victimisation

projection

clarté

respect des limites respect des compétences parole/communication validation, dignité relation égalitaire introjection/introspection

En effet, pour viser à une efficacité optimale, un soutien de qualité et contrer les effets pervers d’une relation abusive, il est nécessaire que :

§ lerôledechaqueintervenantsoitclairementdéterminéetsescompétencesreconnues

§ lahiérarchiesoitrespectée(pourautantqu’ellenesoitpasentravéeparlaloidusilence)

§ leslimitesdesrôlesetdescompétencessoientrespectées(parl’intervenantlui-mêmeetparles autres)

§ quetouteinformationsoitclaireetdemandeàêtreexplicitéesiellenel’estpas

§ quelacommunicationinterpersonnelles’établissepardescanauxdéterminés

§ que la victime ou à défaut son référant soit informé de toute démarche le/la concernant pour

autant qu’il/elle le désire ou, que toutes les informations le/la concernant lui soient accessibles

§ que chaque intervenant respecte la position de l’autre (sans pour autant devoir la partager à

tout prix)

Le problème auquel nous nous heurtons ici est qu’il n’existe pour l’heure aucun langage commun aux différents secteurs concernés par ce type de prise en charge. Comme le décrit B. Papazian29 dans son article :

« L’homme de foi prie pour les malheureux, l’homme de loi juge l’auteur des sévices, tandis que le professionnel de la santé protège ou soigne préférentiellement la victime. Chacun sait sa manière et fixe son moment d’intervention. Or, cela fait beaucoup d’acteurs sur une même scène. L’intervenant croit être sûr de ses gestes, mais ignore le rôle de ses partenaires comme si le texte de la pièce était écrit en plusieurs langues. »30

Outre une meilleure formation et information sur ce sujet, il est nécessaire de développer un outil de travail commun qui pourrait être utilisé facilement par les différents secteurs concernés. C’est ce que je me propose de faire dans la deuxième partie de ce travail, en me basant sur le concept du réseau social de l’individu développé par C. E. Sluzki.

29 op. cit. 6

30 in « Quelques considérations sur les mécanismes inconscients qui mettent la collaboration en défaut de prévenir les mauvais traitements » in Le silence comme un cri à l’envers : maltraitances et abus sexuels envers les enfants, publié sous la direction du Dr. Marco Vanotti ; Editions Médecine et Hygiène, Genève, 1992

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